Dépôt de bilan : ce qu'il faut vraiment savoir quand une entreprise ne peut plus payer

Derrière l'expression familière “déposer le bilan” se cache une réalité juridique bien encadrée : la déclaration de cessation des paiements. Lorsqu'une entreprise ne peut plus faire face à ses dettes avec les liquidités disponibles, elle a l'obligation de signaler cette situation au tribunal.
Mais contrairement aux idées reçues, un dépôt de bilan n'annonce pas toujours la fin de l'activité. Il s'agit avant tout d'un point de départ, celui d'une procédure collective, qui peut parfois déboucher sur un redressement.
Dépôt de bilan : de quoi parle-t-on exactement ?
Le dépôt de bilan, dans le langage juridique, désigne une déclaration officielle de cessation des paiements. Elle doit être faite dès que l'entreprise se trouve dans l'incapacité de régler ses dettes arrivées à échéance, faute de trésorerie disponible.
C'est une obligation légale, quel que soit le statut de la structure : SAS, SARL, entreprise individuelle, auto-entrepreneur…Même les associations peuvent y être confrontées, dès lors qu'elles emploient du personnel.
À ne pas confondre :
- Le dépôt de bilan : déclenchement d'une procédure collective en cas de cessation des paiements.
- La cessation d'activité : arrêt volontaire ou statutaire de l'activité, qui peut intervenir sans difficultés financières
Quand faut-il déposer le bilan ?
Le dirigeant dispose d'un délai de 45 jours à compter de la date effective de cessation des paiement pour en informer le tribunal (tribunal de commerce ou tribunal judiciaire selon la nature de l'activité).
Passé ce délai, un dépôt tardif peut être interprété comme une faute de gestion et engager la responsabilité personnelle du dirigeant.
Comment se déroule un dépôt de bilan ?
1 - Déclaration au greffe
Il faut d'abord remplir le formulaire Cerfa n°10530*01 et le déposer au tribunal compétent, accompagné d'un dossier complet (voir ci-dessous).
Le tribunal compétent dépend de la nature de l'activité :
- Commerciale ou artisanale : tribunal de commerce
- Libérale, agricole, etc. : tribunal judiciaire
2- Convocation à l'audience
Dans les deux semaines suivant le dépôt, le représentant légal est convoqué pour exposer la situation à huis clos devant le tribunal. L'objectif : établir clairement l'état de cessation des paiements et décider de l'orientation à donner à la procédure.
3- Décision du tribunal
En fonction de la situation de l'entreprise, le juge peut :
- Ouvrir un redressement judiciaire, si un redressement semble possible
- Prononcer une liquidation judiciaire, si l'activité est irrémédiablement compromise
- Engager une procédure de rétablissement professionnel, dans certains cas spécifiques (micro-entrepreneurs)
Un mandataire judiciaire ou un liquidateur est alors désigné, et une période d'observation peut être ouverte.
Le dépôt de bilan est gratuit, mais certains frais peuvent s'ajouter (extrait de Kbis, état des privilèges…). Les frais les plus conséquents apparaissent lors de la prodédure elle-même (rémunération des organes de la procédure).
Documents à joindre au document
Parmi les pièces requises :
- Kbis à jour
- Comptes annuels
- Situation de trésorerie récente
- Liste détaillé des dettes et créanciers
- Nombre de salariés
- Copie de la pièce d'identité du dirigeant
- Inventaire sommaire des biens
- Prévisionnel (en cas de redressement)
La liste est longue et exige précision. En pratique, un accompagnement par un avocat ou un expert-comptable est souvent recommandé pour sécuriser la démarche.
Quels risques pour le dirigeant ?
Un dépôt de bilan n'entraîne pas systématiquement de sanctions pour le dirigeant. Mais il doit prouver qu'il a agi en bon gestionnaire. Une déclaration trop tardive ou des fautes de gestion (détournement d'actifs, tenue irrégulière de la comptabilité…) peuvent être lourdement sanctionnées :
- Interdiction de gérer
- Condamnation à combler le passif
- Responsabilité pénale (banqueroute)
Et pour les associés ?
- Dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL, SAS, SASU…), les associés sont en principe protégés : ils ne perdent que leur mise initiale.
- Mais s'ils se sont portés caution personnelle, leurs biens propres peuvent être saisis.
- Dans certaines structures comme la SNC, la responsabilité est indéfinie et solidaire.
Les conséquences d'un dépôt de bilan
Pour l'entreprise :
- Gel du passif : les dettes ne peuvent plus être réclamées individuellement
- Suspension des poursuites : aucune action judiciaire ne peut être entreprise
Contrôle externe : les décisions stratégiques passent entre les mains d'un administrateur ou liquidateur judiciaire
Pour les salariés
Le paiement des salaires et des indemnités est garanti par l'AGS (Association pour la garantie des Salaires)
Selon la procédure, les salariés peuvent être maintenus dans l'entreprise (redressement) ou licenciés (liquidation).
Pour les créanciers
Ils doivent déclarer leurs créances dans les délais légaux pour espérer un remboursement, souvent partiel, selon l'ordre de priorité défini par la loi.
Que se passe-t-il après le dépôt bilan ?
Deux issues principales :
- Redressement judiciaire : l'entreprise poursuit son activité sous surveillance, avec un plan d'apurement du passif.
- Liquidation judiciaire : l'activité cesse, les actifs sont vendus et l'entreprise est radiée.
Il existe également des mesures préventives à mobiliser en amont (mandat ad hoc, conciliation), qui permettent d'éviter d'en arriver là.
Foire aux questions
Puis-je déposer le bilan seul ?
Oui, mais un accompagnement juridique est fortement recommandé.
Est-ce que je peux encore payer mes fournisseurs ?
Non, une fois la procédure ouverte, seuls les créanciers postérieurs à la décision peuvent être réglés.
Combien de temps dure une liquidation judiciaire ?
Variable selon la taille de l'entreprise, la complexité du dossier et les actifs à liquider. Cela peut aller de quelques mois à plusieurs années.